De profundis, lettre des abysses 5.2

de profundis lettres des abysses lettre 05-02Voici la suite de la cinquième lettre échangée dans le cadre de De profundis, le jeu épistolaire inspirée de H.P Lovecraft. Il s’agit de la troisième et dernière réponse de Monsieur Zéta à  Monsieur Masurel. (Première lettre et concept du jeu ici). Cette lettre en contient plusieurs sous forme de fragments, envoyés dans une grande enveloppe. En voici un deuxième partie:

Cinquième lettre des abysses – fragment 02-

Très cher Masurel, comment décrire la situation dans laquelle je me trouve… Possédé ? Je n’ose y croire… Mais alors pourquoi ces réveils dans des endroits où je ne me souviens pas avoir été ? Ces absences mentales répétées et la marionnette, toujours là, à mon poignet ? Ce besoin que j’ai de la revêtir ? Je suis ici dans un café, j’essaye de profiter d’un moment de lucidité pour vous implorer : j’ai besoin d’aide ! J’essaye de me remémorer tout ça…

L’arrivée de la marionnette, une puppet de Cthulhu que j’ai affectueusement appelé Coutou. Commandée sur Internet, il y avait aussi Shub-Niggurath et un chien de Tindalos : tous très mignons. Je les ai acheté dans le cadre de ma réflexion sur la propagande mémétique des grands anciens, ou comment transmettre des message à la masse, en les faisant passer pour du divertissement. J’ai lu attentivement de soi disant ouvrages ludiques : le jeu de cartes l’appel de Cthulhu, le jeu de plateau Horreur à Arkham, le guide de la cité de Kadath… Toutes ces descriptions d’univers soi-disant imaginaires ! Ils ont surtout pour objectifs de faire circuler et de reproduire des mèmes ! Et nous validons leur existence par le fait même de lire ou de jouer avec l’univers de cthulhu ! Peu importe que ce soit sous forme de jeu. L’important est que le mythe vive !!

Fragment

Je vous écris depuis un nouveau fast-food, le vigile du précédent m’a brutalisé et mis dehors. Je n’ai pas pu me laver depuis plusieurs jours, c’est cette marionnette, une adorable caricature de Cthulhu, toute mignonne… J’ai commencé à en rêver la nuit, à passer beaucoup de temps avec elle, à me réveiller avec elle autour du bras au petit matin ! Dans le bus, je jetais un œil dans mon sac pour l’apercevoir un instant et me remettre du baume au cœur. Au bureau je faisais ma pause avec mon coutou accroché, quelques minutes dans les toilettes pour me redonner des forces… Puis mon sommeil est devenu plus fiévreux, je rêvais de Kadath, je vagabondais dans ses rues… Cootoo n’était pas une extension de mon bras… J’étais Cootoo ! Fils de Cthulhu ! En marche vers le château d’Onyx ! Demeure du grand poisson noir !

J’ai manqué plusieurs matinées au travail, on m’y questionnait sur ma négligence physique, sur mes cernes… Sur ce temps insensé que je passais aux toilettes ! Je n’ai su que répondre. Cootoo me donne la force, oui, mais peut-être aussi que Cootoo me prend de l’énergie ! Je me réveille en nage dans les toilettes, au milieu des poubelles dans une ruelle grise au petit matin…

Fragment

Quelle catastrophe ! comment ai-je pu en arriver là? Je perds complètement la tête ! Monsieur Masurel, je vous en conjure ! Accueillez moi chez vous quelques temps ! Je vais venir par mes propres moyens… Mais je n’ai plus rien ! C’est coutou qui va me guider vers vous ! Je suis recherché depuis ce concert des puppetmastaz, j’en suis sûr. Vous savez, des marionnettes qui font du rap : comment avais-je pu ignorer une telle attaque mémétique jusque là ? Alors je suis allé au concert avec coutoo dans mon sac, mais la puissance du rap et du rythme de ces marionnettes était vraiment troublante : une transe a commencé dans la foule, c’était un véritable appel ! Puis les puppets sur scène ont commencé à parler d’oppression des humains sur les marionnettes, elles ont appelé leur race à se révolter ! Et a leur demande, tout le public a sorti une puppet de son sac ! C’était vraiment gigantesque ! Certains avaient simplement glissé une chaussette sur leurs bras et psalmodiaient des rythmes déments à la gloire des puppetmastaz !

Cootoo était fébrile et moi, brûlant de fièvre, je la sentais cette fille de la grande rêveuse, et une fois sortie et emmitouflée le long de mon bras, c’était comme si des dizaines de filaments invisibles s’infiltraient dans les moindres interstices de mon cerveau… Fragile créature humaine que je suis ! Marionnette de chair et de sang ! L’invasion a déjà commencé ! A la sortie du concert, j’étais galvanisé, je n’étais plus moi-même lorsque cette femme journaliste est venue me parler en compagnie du cameraman. Elle avait accroché un lapin ridicule au bout de son micro, un simulacre de puppet… Elle insultait la mémoire de cootoo ! l’existence même de toutes ces puppets qui revendiquent leurs droits… Elle n’avait rien compris au sens de tout ce qui venait de se dérouler ! Alors Coutoo est entré dans une rage folle et j’ai frappé ! frappé de toutes mes forces ! Et coutoo riait ! Riait ! Et tout  tournait autour de moi !

Cette nuit là encore, je me suis réfugié a kadath en attendant que les choses se tassent. J’ai longuement erré dans les jardins, mais cela ne fonctionnait pas tout le temps. Je vais prendre un billet d’avion, ce sera plus simple.

(A suivre)